L’expertise académique au service d'une agriculture durable et de la sécurité alimentaire

La Plateforme pour l’agriculture et la sécurité alimentaire (PASA) est un lieu de réflexions et de débats où les ONG, le monde académique et les représentant·es du monde politique engagé dans la coopération internationale échangent, sans pression décisionnelle. Rencontre avec François Serneels, le représentant de l’ARES à la PASA. 

Créée en 2021 à l’initiative de la Coalition contre la faim (un consortium d’ONG belges travaillant sur les politiques belges contre la faim), la Plateforme pour l’agriculture et la sécurité alimentaire (PASA) regroupe aujourd’hui ces mêmes ONG, des actrices et des acteurs du monde académique (ARES et VLIR-UOS) ainsi que des représentant·es des syndicats agricoles, des autorités fédérales, d’Enabel (agence belge de développement) et de BIO (société belge d'investissement pour les pays en développement. Certaines personnes ressources de l’Union européenne et de la FAO sont également invitées à certaines occasions.

L’objectif de la PASA ? Echanger des informations, des avis et des pratiques sur les actualités et les défis liés aux systèmes alimentaires durables, à la sécurité alimentaire et à la nutrition. L’intérêt de la plateforme réside dans son caractère informel, ce qui intéresse les différentes familles d’acteurs présent, davantage concerné par le réseautage, l’échange et l’apprentissage que la prise de décision.

Rencontre avec François Serneels, agronome, enseignant à la Haute école Condorcet et responsable du Service Agronomie Internationale du CARAH (Centre de recherche en agronomie et agro-industrie de la Province de Hainaut). Il est aussi le représentant de l’ARES à la PASA.

MOOVE : Quelle l’origine de la plateforme ?

François Serneels : La sécurité alimentaire a longtemps été vue par le prisme des ONG d’urgence présentes sur le terrain de crises diverses. Mais d’autres ONG, préoccupée par le long terme, ont développé une vision prospective et analytique leur permettant d’avoir une très bonne maitrise des enjeux agricoles, tant dans les pays du Sud qu’en Belgique. Cette capacité d’analyse sur le long terme est précieuse pour contrebalancer les approches politiques plutôt changeantes.

Dans ce contexte, le souhait de la PASA est donc de mettre en perspective les trois points de vue, celui du monde politique, qui a des accords avec certains pays partenaires, celui d’ENABEL et de BIO et enfin celui des ONG qui ont une approche plus radicale.

MOOVE: Qu’attend la PASA du monde académique ? 

François Serneels : Le rôle des académiques est d’apporter une expertise manquante aux autres partenaires.

Le monde académique apporte le recul scientifique nécessaires mais aussi de nouvelles approches, de nouvelles sources d’inspiration et de l’innovation.  Il permet aussi l’accès aux données du terrain, de premières mains. Il est aussi en mesure d’identifier des sujets de recherches qui peuvent résoudre des problèmes aigus.

La PASA attend aussi une bonne circulation de l’information au sein de la communauté académique. Et que cette information circule au-delà des personnes investies dans la coopération. Tous les profils académiques sont utiles pour réfléchir sur un sujet comme la sécurité alimentaire, sujet interdisciplinaire.

La PASA a donc besoin des juristes, des experts en relations internationales, des historiens, des géographes afin d’appréhender les sujets dans leurs diverses dimensions.

Un des thèmes qui nous préoccupe en 2024 est le lien entre le travail décent et les systèmes alimentaires. La contribution de sociologues et de psychologues serait la bienvenue.

MOOVE : Quelle est la plus-value d’une meilleure complémentarité entre les ONG et les académiques ?

François Serneels :: Il doit y avoir un va et vient de concepts (situation / problèmes) entre les ONG et les académiques. Ce qui est mis en place sur le terrain par les ONG peut donner lieu à des questions posées aux académiques qui, après réflexion, analyse et synthèse, peuvent retourner vers les ONG avec des propositions d’enquêtes ou d’actions sur le terrain, voire encore des solutions adaptées aux différents contextes du sud.

MOOVE : Quels sont les sujets abordés par la PASA en 2024 ?

François Serneels : En mars, nous avons abordé la sécurité alimentaire et travail décent. Nous avons entre autres présenté le rapport du Service d’évaluation spéciale : L’évaluation de l’intégration du travail décent dans le développement des chaînes de valeur 

Le 27 juin 2024, nous parlerons de l’agriculture dans les COP, les Conférences des parties. Nous partagerons les informations reçues des personnes ressources ayant participé à ces COP, nous tenterons de savoir comment les systèmes alimentaires sont abordés dans ces grands rendez-vous internationaux. Avec les ONG et la DGD, nous tenterons de voir quelles actions peuvent être entreprises.

Le 28 novembre 2024, nous évoquerons la mécanisation et l’agrochimie dans les systèmes alimentaires. C’est une question préoccupante et c’est sujet de tensions entre les ONG, d’une part et Enabel et BIO, d’autre part. Ces deux structures sont parfois amenées à financer l’agro-industrie en soutenant l’importation massive d’engrais de synthèse, ce qui est tout à fait anachronique pour les ONG. Concrètement, on accepte de conseiller l’usage de produits phytosanitaires qui sont interdit dans l’UE ! Autrement dit, ce qui est interdit chez nous, nous acceptons de le financer dans le cadre de la coopération au développement. Ces enjeux contradictoires font l’intérêt de la PASA. C’est très ouvert. Chacun vient discuter de ces différents sujets sans avoir de contraintes décisionnelles.

Infos ? 

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