Gaëlle Ducarme, une carrière au service de l’international et de la coopération académique

Après un long parcours professionnel au sein de l’ULB, Gaëlle Ducarme a rejoint l’ARES en août 2024 pour défendre les intérêts des hautes écoles et écoles supérieures des arts, dans le domaine de la coopération académique. Un nouveau défi qui s’inscrit dans une carrière professionnelle consacrée majoritairement à l’international.

L’international, Gaëlle Ducarme en rêvait depuis ses études. Passionnée de relations internationales, c’est finalement dans la coopération académique qu’elle fera carrière, d’abord en Europe centrale, puis d’autres zones géographiques comme l’Afrique et l’Asie. Après 31 années passées à l’ULB au sein du service des relations internationales (qu’elle a dirigé de 2017 à 2024), Gaëlle Ducarme a choisi de rejoindre la direction de la coopération internationale de l’ARES en août 2024. Son rôle est d’y renforcer le positionnement des hautes écoles (HE) et écoles supérieures des arts (ESA) dans l’univers de la coopération académique.

Pour elle, alors que de nombreuses inquiétudes pèsent sur le secteur en de début d’année 2025, la coopération est plus que jamais nécessaire. « Avec les peurs qu’on nous distille, le réflexe est le repli sur soi, induisant la peur de l’autre. Or, c’est justement maintenant qu’il faut réfléchir ensemble à comment construire un monde meilleur. Le besoin de se connaitre, de travailler ensemble et de découvrir l’autre est fondamental pour faire face aux défis mondiaux. »

MOOVE - Quelle est ta fonction au sein de l'ARES et en quoi consiste ton travail ? 

(Gaëlle tient à préciser que cet interview propose un avis personnel et non pas une position officielle des HE-ESA)

Gaëlle Ducarme (GD) - J’ai le titre de chargée de projets de coopération en support aux HE-ESA. C’est un nouveau poste qui a été créé en août 2024, à la demande des HE-ESA. Depuis mon arrivée, lors de mes rencontres avec les différentes autorités des établissements, j’ai pu constater leur vif intérêt pour les activités de coopération. L’enthousiasme est le même dans la communauté étudiante. Les freins sont plutôt liés aux appuis que les établissements peuvent apporter à celles et ceux qui souhaitent développer des projets. Ma fonction consiste également à relayer leurs intérêts, leurs visions et leurs besoins. Je le fais via les instances de l’ARES, à savoir, la Commission de la Coopération internationale (CCI) et le Groupe technique. Je veillerai aussi à leur positionnement dans la formulation du prochain programme quinquennal 2027-2032. Et ensemble, nous essaierons d’adapter ce programme aux spécificités des HE-ESA. De manière assez concrète, je sensibilise les membres des établissements à la coopération et aux instruments de coopération de l’ARES. Et dans ce cadre, lors des différents appels à projets de coopération lancés annuellement par l’ARES, je viens en soutien et j’accompagne le montage des projets par des conseils Je facilite aussi la mise en réseau des HE entre elles, des ESA entre elles et de celles-ci avec les universités.

MOOVE - Pourquoi est-ce important de renforcer la présence des HE-ESA dans la coopération académique ?

GD - Tout d’abord, bien que la coopération académique soit organisée depuis 30 ans, les financements ne sont accessibles aux HE-ESA, de manière structurée, que depuis le programme en cours à savoir depuis 2022. Si les HE-ESA peuvent monter dans les projets depuis la création de l’ARES il y a 10 ans, ce n’est que depuis 2022 que certains instruments de financement ont été pensés en fonction des spécificités des HE-ESA. Ensuite, les universités ont depuis toujours des financements de l’ARES qui leur permettent d’engager du personnel dédicacé au support des membres de leur communauté universitaire dans le cadre de la coopération, ce qui n’était pas le cas des HE-ESA avant la création de mon poste. Vu ces éléments, il était devenu important que les HE-ESA puissent bénéficier d’un soutien.

MOOVE - Qu'apportent les HE-ESA dans le domaine de la coopération ? Quelles sont les particularités que ces institutions peuvent faire valoir ? 

GD - Les HE-ESA sont des établissements d’enseignement supérieur qui offrent des formations que l’on ne retrouve pas dans les universités et qui peuvent répondre plus spécifiquement à certains besoins des établissements des pays partenaires. De même, ces établissements, pour certains, ont des activités de recherche et des liens avec la société civile qui sont complètement en phase avec les activités de coopération. Enfin, les méthodologies d’enseignement sont également différentes de celles que l’on peut trouver dans les universités. Tous ces éléments font que les HE-ESA et les universités sont tout à fait complémentaires et peuvent, chacune à leur manière, apporter des réponses aux spécificités de nos établissements partenaires.

MOOVE - La politique de coopération actuelle de l'ARES est-elle adaptée à ce public ? Quelles seraient tes propositions si tu devais redéfinir les instruments de coopération de l'ARES ? 

GD - Avec le programme 2022-2027, la Commission de la coopération internationale a été attentive à entrebâiller les portes pour que les HE-ESA puissent petit à petit s’intégrer dans les instruments de coopération. Aujourd’hui, à mi-parcours de ce programme, on se rend compte qu’elles ont répondu présentes et qu’il est temps d’adapter certains instruments pour qu’ils répondent encore mieux à l’objectif, d’ouverture aux HE-ESA. Je pense principalement au refinancement des Bourses de mobilité et des instruments d’Éducation à la citoyenneté mondiale. Je pense aussi à l’accès des Projets d’amorce et de valorisation, initialement destinés aux nouveaux entrants dans la coopération. Mais cet instrument a séduit un tellement vaste public ! Tout le monde s’y est engouffré ! Il faut repenser cet instrument. Il faut peut-être aussi s’interroger sur le processus de sélection des projets, réalisée essentiellement par des évaluateurs « universitaires », peu sensibles aux spécificités des HE-ESA. La compétition entre tous les établissements est une bonne chose, mais on devrait réfléchir à adapter la sélection.

MOOVE - Les Bourses de voyages, les Microprojets et les Projets de mobilisation sont des initiatives prisées par les HE-ESA. Qu'apporte cette expérience internationale aux étudiantes et étudiants de ces institutions ?

GD - L’axe « Éducation à la citoyenneté mondiale » des instruments de coopération de l’ARES est essentiel pour une des missions des HE-ESA qui est de former des citoyens et des citoyennes du monde. Ces instruments permettent aux étudiants et aux étudiantes de prendre conscience des enjeux mondiaux et plus particulièrement des enjeux de nos pays partenaires de la coopération. Ils permettent que les étudiants et étudiantes prennent conscience du rôle qu’ils et elles peuvent jouer pour construire un monde meilleur. Il est important d’avoir des étudiants qui sont confrontés à d’autres contextes, qui peuvent réfléchir aux enjeux de pays aux besoins différents du nôtre. Il ne faut pas négliger les savoirs et savoir-faire de nos partenaires qui enrichissent la formation de nos étudiants et étudiantes. Enfin, les échanges et partages qu’offrent ces trois instruments d’ECM permettent d’acquérir une vision moins européocentrée des différentes problématiques de nos sociétés.

Gaëlle Ducarme
Visite de terrain lors d'une mission à l'UJKZ
Gaëlle Ducarme
Les équipes belge et burkinabè de l’Appui institutionnel auprès de l’UJKZ

MOOVE - Tu as une longue carrière dans la coopération internationale. Pourquoi cet engagement ? 

GD - Je suis active dans la coopération depuis 2008, cela fait 17 ans maintenant. À la base, je n’étais pas intéressée par la coopération, mais plutôt par les relations internationales. Je souhaitais être ambassadrice ! En quelque sorte, j’ai réalisé mon rêve en étant ambassadrice de l’ULB pendant de nombreuses années. Je pense que ce qui m’a toujours plu c’est le fait de se sentir utile : utile auprès des collègues en FWB, utile dans l’appui au développement de collaborations avec les pays partenaires. Pour un grand nombre de projets, en travaillant sur le long terme, on voit l’impact des réalisations. C’est très gratifiant. Ce que j’aime beaucoup aussi ce sont les rencontres, que ce soit avec les collègues en FWB ou des pays partenaires. Si les étudiant.es s’enrichissent des activités d’ECM, imaginez tout ce que ça m’a apporté depuis maintenant 17 ans d’être au quotidien en lien avec d’autres contextes, d’autres réalités... Enfin, peut-être plus que dans d’autres secteurs, c’est la motivation et l’enthousiasme des équipes qui m’ont portée pendant toutes ces années. Beaucoup de ces acteurs et actrices de projets sont des proches aujourd’hui.

Gaëlle Ducarme
Avec Abdoul Karim SAKIRA (UJKZ), ancien boursier PRD et le Pr Cédric DELPORTE (ULB) pilote d’atteinte de résultat de l’AI UJKZ
Gaëlle
Avec le Pr Balé BAYALA, coordonnateur administratif de l’AI UJKZ et Marie-Hortense MADIKA, chargée de projets ARES.

MOOVE - Quels sont les moments clés et certains résultats que tu retiens et qui te permettent de dire "mon travail a du sens" ? 

GD - Mon moment préféré, c’est quand les enseignants et enseignantes, les chercheurs et chercheuses me parlent de leur projet. Parfois, c’est tellement scientifique que je ne comprends pas toujours, mais la plupart du temps, c’est passionnant. J’aime beaucoup aussi quand j’essaie de sensibiliser à l’intérêt de monter des projets et puis quand je tente de transmettre mon expertise lors du montage de ces projets. Évidemment, c’est quand un projet est sélectionné et que les équipes FWB et leurs partenaires développent des liens forts au sein de ce projet que c’est le plus magique. C’est un métier qui te permet de côtoyer des personnes qui ont une telle vision du monde et une telle ambition pour l’améliorer !

Gaelle
Séance de travail lors de la formulation du programme 2022-2027 de l’Appui institutionnel auprès de l’UJKZ

MOOVE - Dans le contexte actuel, certaines menaces pèsent sur l'avenir de la coopération internationale, en termes de moyens notamment. Quelle est ton analyse ? 

GD - Cela fait des années qu’à chaque nouveau gouvernement on s’inquiète. Jusqu’à présent, j’étais plutôt optimiste et je continuais à me mobiliser et mobiliser les collègues sans frein. Et jusqu’à présent, cela en a valu la peine. Cette fois-ci, je suis un peu plus inquiète. On n’a pas l’impression d’être écoutés, ce qui est un début indispensable pour être entendus. Je pense malgré tout que nous ne devons pas nous freiner et que nous devons avancer pour montrer la richesse pour nos EES, pour les étudiants et étudiantes, pour la Belgique et, pour les pays partenaires, de poursuivre la coopération académique qui est à la base de l’épanouissement de toute société.

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