Digitalisation dans l’enseignement supérieur: une approche multiforme

Le numérique occupe depuis plusieurs années une place prépondérante dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique. Ses apports ne sont plus à démontrer dans les domaines de l’administration, de la recherche ou de l’évaluation des contenus de formation. Il est un vecteur de communication, de partage et de stockage d’informations permettant un accès quasi illimité à des ressources scientifiques et pédagogiques. Il permet la mise en place de dispositifs administratifs ou d’apprentissage innovants, totalement numériques ou hybrides. 

La gouvernance des établissements d’enseignement supérieur repose également aujourd’hui massivement sur des outils numériques. Ces dernières années, le recours aux outils de communication numérique, de travail collaboratif à distance, aux cours en distanciel, à des outils de suivi des parcours de formation, etc. s’est considérablement accru.

Le numérique représente donc un socle, un outil d’une importance considérable dans le contexte de l’enseignement supérieur tant il a permis de révolutionner et de fluidifier plusieurs des missions des établissements.

Au Sénégal, l’Université virtuelle du Sénégal (UVS) s’investit entièrement  pour offrir des réponses concrètes aux défis de la digitalisation dans l’enseignement supérieur et à ses différentes composantes. Sa création en septembre 2013 est une réponse concrète à la massification de l’enseignement supérieur.

La croissance de l’université a été fulgurante, passant de 2.500 étudiant·e·s en 2013 à plus de 50.000 en 2022, dont 54 % de filles.

Avec 18 licences, 28 masters et 1 master spécialisé, l’offre de formations est assez ambitieuse et notamment accessible dans les Espaces numériques ouverts (ENO). Ces lieux multifonctionnels sont dispersés sur le territoire. Neuf régions sur les quatorze que compte le pays en sont équipées, notamment celles où il n’y a pas d’université. Ces ENO permettent l’accès à l’enseignement à distance, comprennent l’accès aux services administratifs, permettent le travail collaboratif et stimulent l’innovation via la disponibilité d’incubateurs.

A l’initiative du Pr Vincent Wertz (UCLouvain), le Pr. Abdou Sene de l’UVS est venu à l’ARES en juin 2022 pour retracer l’histoire de cette success story académique, tout en jetant les bases d’une réflexion sur les défis et les enjeux de l’enseignement à distance.

Plusieurs interventions de l’ARES, notamment dans le cadre des programmes d’Appui institutionnel, abordent les divers chantiers de la digitalisation.

Certaines initiatives sont avant tout techniques et informatiques, et permettent d’accompagner les universités partenaires dans leur processus d’informatisation des procédures de gestion, qu’elles soient académiques, administratives ou financières. Elles permettent aussi d’entrer en dialogue avec ces institutions afin de mieux comprendre la manière dont elles souhaitent remplir leur mission ou gérer leur développement. Ces dernières années, quatorze responsables informatiques provenant de sept universités partenaires de l’ARES se sont rencontrés en Belgique pour aborder les différents aspects de la digitalisation. La dernière rencontre date de décembre 2021.

Trois participants, Yves Ngoie (UCC-RDC), Victor Oyetola (UAC-Bénin) et Muliri Mirindi (CEDESURK-RDC) en dressent le bilan.

 

Un exemple concret de cette informatisation des processus se déroule au Niger. L’Université Abdou Moumouni (UAM) de Niamey a mis au point un logiciel informatique multifonction assurant, entre autre, la gestion de la scolarité. Il permet aussi bien de gérer les inscriptions des étudiant·es, le paiement de leur minerval et le suivi de leur scolarité, que la gestion des cours donnés par les enseignant·es, la planification des horaires et l’édition de documents officiels comme le relevé de notes et attestations de réussite. 

Visionnez le témoignage d’Hassan Ganda, enseignant à l’UAM.

Mais d’autres exemples peuvent être partagés.

En Haïti où la pandémie de COVID-19 a été l’occasion de s’appuyer sur les opportunités du numérique. Ainsi, à l’Université d’État d’Haïti (UEH), l’enseignement à distance a permis de sauver l’année académique 2020-2021. L’université a fait l’acquisition de matériel de connexion et a développé une offre de cours en ligne dans huit facultés, tout en soutenant les équipes techniques dans l’accompagnement des enseignant·es, désormais obligé·es de donner cours à distance.

Cambodge
L’ITC dispose d’un studio d’enregistrement professionnel pour ces cours à distance (Photo: Christine Leroy)

À l’Institut de Technologie du Cambodge (ITC), où la pratique de l’enseignement à distance était déjà bien ancrée, l’université a souhaité renforcer son dispositif en faisant l’acquisition d’un mini studio mobile d’enregistrement. Un nombre croissant d'enseignantes et d’enseignants sont désormais en mesure de produire des contenus d’enseignement vidéo, tant pour les cours théoriques que pour les travaux pratiques effectués en laboratoire.

Si la pandémie a donné un coup de projecteur sans précédent sur l’enseignement virtuel et les pratiques pédagogiques qui en découlent, certains acteurs et actrices académiques n’ont pas attendu cette pandémie pour s’intéresser, pour d’autres raisons, à l’enseignement à distance. 

La digitalisation est donc un concept vaste et pluriel dont il convient de circonscrire l’application à des interventions de coopération académique afin de parvenir à le mettre pleinement au service des visées de renforcement des capacités d’établissements d’enseignement supérieur partenaires.  

Elle ne peut pas se concevoir indépendamment du contexte institutionnel. En effet, la transformation numérique peut générer des bouleversements, des modifications de processus qui peuvent provoquer des résistances. Il est par conséquent crucial d’accompagner ce changement et de le centrer sur des besoins réels, avec des réponses appropriées.

C’est de cet accompagnement dont il sera question tout au long du Programme de coopération 2022/2027. Dans certains pays, les axes de travail sont déjà identifiés :

  • Au Burundi, il s’agira de valoriser et renforcer les capacités pédagogiques numériques des académiques et chercheurs de l’Université du Burundi. Les activités viseront également à consolider l’infrastructure numérique et à actualiser les compétences du personnel informatique de l’université.
  • Au Cambodge, l’investissement de l’ITC dans les technologies digitales représente un levier majeur pour la mise en œuvre de sa stratégie institutionnelle. Son ambitieux projet d’e-learning et sa contribution au projet « ASEAN Cyber University » contribue à favoriser de nouveaux modes d’enseignement, en particulier dans le contexte de la pandémie du Covid-19. D’ici à 2027, l’ITC s’impliquera dans le développement d’un système de gestion courante entièrement informatisé (gestion des carrières), le déploiement de l’E-learning Center, le renforcement des compétences sur les questions de réseaux et le développement de nouveaux programmes en Cyber Sécurité et en Intelligence Artificielle
  • En Equateur, la Direction des Technologies de l'Information et de la Communication (DTIC) et son équipe de 25 personnes poursuivra ses missions  de support technique, de développement d’infrastructure, de développement d’applications informatiques, de projets et de production de contenus et de support à l’Administration centrale. Pour familiariser son personnel enseignant, l'UCE devrait poursuivre ses ateliers sur l'utilisation des classes virtuelles, ainsi que des ateliers et des vidéos sur l'enseignement en ligne. Le nombre de classes virtuelles est passé de 750 à 3 500 lors de la pandémie de Covid-19, mais toutes les classes n'ont pas été entièrement virtualisées.
  • A Madagascar, le numérique fait clairement partie de la politique institutionnelle de l’Université d’Antananarivo. À cet égard, le déploiement du Smart-Campus intégrant qualité de vie, environnement et digitalisation reste un projet ambitieux. C’est dans ce contexte qu’un jardin-connecté a été créé, ce qui permet aux étudiant·es de se connecter tout en bénéficiant d’un cadre agréable pour faire leurs recherches. D’autres espaces connectés de ce genre vont se déployer sur le campus d’Ankatso.
Madagascar
Le jardin-connecté de l’UA  (Photo : Pierre Martinot)

Au vu de ces multiples exemples, la digitalisation dans l’enseignement supérieur peut prendre des approches multiformes. 

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