300 boursières et boursiers, provenant d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du sud, sont actuellement en Belgique pour une période de 3 mois à 1 an, dans le cadre d’une formation, d’un cursus de spécialisation ou d’un doctorat. Leur accueil a eu lieu ce 20 octobre 2023, dans les infrastructures de l’IHECS, lors d’un événement dédié à la réflexion, au réseautage et à la fête.
Chaque année, l’événement d’accueil des boursières et boursiers de l’ARES est un moment fort de la coopération académique. Il permet aux 300 personnes, bénéficiaires d’une bourse de l’ARES, de se réunir une première fois, de se rencontrer et de tisser les contacts nécessaires pour faire de ce séjour en Belgique un moment important de leurs études ou de leur carrière.
Dans son mot de bienvenue, Frédéric Moens, le directeur de l’IHECS, a insisté sur l’importance que son institution accorde à l’international. « Accueillir des étudiantes et étudiants venant de l'étranger est (…) compliqué. Néanmoins, pour nous, cette diversité est essentielle." S'adressant aux boursières et boursiers arrivés en Belgique il y a quelques semaines, il a précisé: «Vous représentez une forme d’altérité, vous arrivez avec d’autres représentations, avec d’autres idées, d’autres préoccupations. Vous les partagez avec les indigènes que nous sommes, nous qui restons enfermés dans des modes de fonctionnement que nous croyons pertinents, mais vous nous rappelez que ce n’est pas nécessairement le cas. C’est ensemble que nous pouvons construire un monde dont nous espérons qu’il sera meilleur que celui d’hier.»
Cette année, comme thématique de réflexion, l’ARES a choisi d’aborder la décolonisation des savoirs et des relations partenariales dans la coopération académique au développement.
Aujourd’hui, dans la société civile, dans la diaspora, dans toutes les organisations, des voix se lèvent et soulèvent des questions qui touchent à la décolonisation au niveau de notre société, de la coopération au développement, de notre espace public, de nos pratiques, de nos relations partenariales etc.
Pour l’ARES, afin de faire évoluer sa coopération académique, il est important d'aborder la question, de compter sur les avis et les expériences de son public, pour mettre des mots sur des ressentis ou des expériences vécues.
La réflexion a eu lieu en trois temps.
Tout d’abord, Gaspard Giersé, historien de l’art et fondateur des «Visites de mon voisin», a retracé avec humour et un brin d’impertinence, l’histoire de la Belgique, sa période coloniale et l’amnésie du pays face à son passé. «J’étais content de voir les réactions, a-t-il expliqué. J’ai ainsi pu constater que le public se rendait compte qu’en Belgique une réflexion décoloniale existe. Car au final, on aura besoin de tout le monde pour décoloniser, et l’espace public, et les mentalités, et le monde académique.»
Ensuite, en groupe restreint, les participantes et participants de nationalités différentes ont pu échanger sur une série d’affirmations sur la décolonisation de la coopération, extraites de deux études académiques réalisées en 2021. Après la lecture de ces phrases, la possibilité leur était donnée de réfléchir, de débattre et d’exprimer leur opinion, via une plateforme.
«Je suis perplexe, a dit un participant. Encore parler de décolonisation, après 60 ans, cela ne laisse pas beaucoup d’espoir pour l’avenir, pour nous, jeunes africains.»
Une autre participante a souhaité que «la coopération favorise davantage une approche win-win, plus équilibrée, reposant sur des partenariats équitables où la prise de décision est plus collégiale.»
Par la suite, en plénière, la réflexion s’est prolongée en intelligence collective. Le public a exprimé son ressenti par rapport à l’exercice, a partagé ses points de vue ou ses expériences, ou encore, a enrichi le débat avec des idées de lecture.
«Nous attendons plus de la coopération, a expliqué un doctorant. Nous ne souhaitons plus simplement recevoir de l’aide. Nous souhaitons être considérés comme des cadres africains, et évoluer dans un véritable partenariat. Pour ceux et celles qui n’ont pas l’opportunité de bénéficier d’une bourse de l’ARES, que ces personnes-là puissent venir étudier en Belgique, avec leurs compétences intellectuelles et leurs propres économies. Tout simplement !»
«La coopération peut s’avérer compliquée pour les femmes. Une connaissance a dû renoncer à son projet, car étant maman d’un bébé de deux mois, elle ne pouvait pas l’emmener en Belgique.» a précisé un participant.
«L'équité entre les boursiers est aussi un sujet délicat lorsqu'on évoque l'efficacité des doctorants. Des micro-disparités existent.» a dit un autre participant.
«Dans le cadre des recherches Nord/Sud, les chercheurs du Sud sont impliqués mais leurs points de vue ne sont pas toujours pris en compte dans les publications. Les chercheurs du Nord utilisent les chercheurs du Sud pour accéder aux données. Ces derniers constituent une main d'oeuvre moins onéreuse» a tenu à préciser un autre boursier.
Satisfaits de pouvoir s'exprimer sur un tel sujet, tout en reconnaissant le privilège d'être personnellement impliqués dans un programme de mobilité internationale financé par l'ARES, les participantes et participants ont fait part de toute leur disponibilité à poursuivre les échanges dans les prochains mois.
Dans son mot de conclusion, Benoît Haut, professeur à l’ULB et président en exercice de la Commission de la coopération au développement, a redit l’importance de la thématique du jour pour l’ARES. «La dynamique des partenariats et nos pratiques en matière de bourses font partie d’une réflexion continue. Et on y réfléchira encore ! La revalorisation des bourses est le résultat des actions menées. La question des femmes et de leurs enfants sont des sujets sur lesquels nous devons encore réfléchir, afin d’être plus inclusif.»
Durant cette année académique, d’autres moments de réflexion, sous d’autres formats, seront à l’agenda et permettront d’approfondir cette thématique, avec les boursières et les boursiers.
La suite de l’événement a été plus festive, avec la découverte des stands pays, puis avec la soirée endiablée, animée par la DJette Rokia Bamba.
L’ARES adresse un remerciement à l’IHECS qui a hébergé cette édition 2023, tout en mobilisant son corps enseignant et ses étudiantes et étudiants de Master 1 en Presse et information, aux commandes d’une couverture média inédite.
D'une part, une émission radio a été réalisée en direct. Plusieurs personnes invitées se sont exprimées sur la coopération académique et sur la décolonisation des relations partenariales (écouter l'émission ici). D'autre part, plusieurs posts ont été produits. Ils sont à découvrir sur Mammouth, le média de l’IHECS.
Photos : Antoine Dutry et Fabian Kabashi