La coopération entre la Belgique et le Maroc a montré toute sa richesse et sa diversité lors de la mission de visite des projets financés par la Belgique dans la Région de l’Orientale, du 23 au 30 novembre 2024.
De Figuig à Nador, en passant par Jerada, Oujda et Berkane, ce sont près d’une quinzaine de projets qui ont été visités par la délégation belge, comprenant des représentant·es de l’Ambassade de Belgique au Maroc et des acteurs non gouvernementaux, illustrant l’implication des partenaires belges et marocains dans cette région de l’Orientale, à l’est du Maroc.
Pour l’Ambassade de Belgique, « cette mission a été l’occasion de témoigner des fruits de notre partenariat avec le Maroc. Notre but est de faciliter la rencontre entre les acteurs de la coopération, de mieux saisir les défis et les opportunités de la région mais aussi d’identifier de nouvelles pistes de collaboration. Cette meilleure connaissance commune des acteurs belges de la coopération doit conduire à la promotion de synergies ».
Aux côtés d’ENABEL, de l’APEFE, de Médecins du Monde, de RCN et de Brulocalis, l’ARES est aussi présente au Maroc et contribue au renforcement des capacités de l’enseignement supérieur.
Pour Stefan Meersschaert, l’actuel Chef de coopération à l’Ambassade de Belgique au Maroc, « la recherche académique permet à un pays d’évoluer et de progresser sur le plan de la connaissance et sur le plan économique. Le Maroc en est conscient et cela se traduit par une coopération académique fructueuse entre nos deux pays. Les échanges d’expertises sont importants. Cette coopération doit s’inscrire dans la durée, afin d’établir des relations équilibrées, de respect réciproque et de confiance. »
Financés par l'ARES, treize projets de coopération sont actuellement en cours au Maroc (6 projets d’amorce et de valorisation et 7 projets de recherche pour le développement).
Dans la région de l’Orientale, la délégation belge s’est arrêtée à Oujda pour visiter un partenaire académique de longue date, l’Université Mohamed 1er (UMP). Un appui institutionnel de quinze ans (2003 – 2018) a permis à l’université de gravir les échelons académiques et de devenir l’une des meilleures institutions marocaines. La délégation y a visité le Centre de l’Oriental des sciences et des technologies de l’eau (COSTE) et le Centre d’information, d’orientation et de la vie estudiantine (CIOVE), deux résultats concrets de cette coopération académique.
A Figuig, à l’extrême est du pays, une collaboration fructueuse entre l’Université libre de Bruxelles et l’Université Mohamed 1er a permis de répondre à une problématique spécifique des milieux oasiens : la protection et le développement de la phœniciculture.
Depuis 2017, Mondher El Jaziri (ULB) et Abdelkader Hakkou (UMP) concentrent leur recherche sur le palmier-dattier, pilier du développement socio-économique de la région. Son renouvellement par l’appropriation des techniques de rejets, sa protection face à certaines maladies et son développement en amendant efficacement le sol sont les principaux axes d’intervention des deux chercheurs et de leurs équipes.
« L’objectif de l'actuel projet, explique Mondher El Jaziri, est de concevoir un compost enrichi en mycorhizes pour remédier à l’appauvrissement des sols, mais aussi à établir un modèle permettant de tester la viabilité économique de stations de compostage et d’identifier les conditions de durabilité. Ce compost est obtenu à partir des déchets issus de la taille des palmiers-dattiers. Les volumes des déchets sont importants et jonchent les sols. Ils constituent des risques importants pour les palmeraies : transmission de pathogènes et risques d’incendie notamment. Donc, d’une part, nous avons des déchets en quantité, d’autre part, nous sommes face à des sols de plus en plus appauvris et déstructurés… Il y avait donc de la place pour un projet valorisant des déchets pour amender les sols dans une optique d’agronomie circulaire. Le compost produit est utilisé par les agriculteurs pour améliorer la qualité du sol des parcelles de palmiers-dattiers ou d’autres arbres fruitiers, comme les amandiers, les oliviers et les grenadiers. »
Stefan Meersschaert se montre convaincu par la double approche du projet. « Ici, des recherches scientifiques appliquées trouvent un développement concret sur le terrain. La recherche débouche sur des résultats opérationnels très intéressants qui répondent à des préoccupations très locales concernant la vie de l’oasis et la gestion des palmiers-dattiers. Les incidences économiques et environnementales sont visibles.»
Derrière ce compost, il y a l’expertise de multiples acteurs. « Au niveau belge, détaille Mondher El Jaziri, plusieurs universités sont mobilisées (ULB, UCLouvain et ULiège). Côté marocain, il y a l’UMP mais aussi l’Ecole Nationale de l’Agronomie de Meknès ainsi que de l’Université Al Akhawayn d’Ifrane. Et à ces connaissances académiques - des expertises en phytopathologie, en sociologie, en biologie ont été nécessaires -, s’ajoutent celles de la société civile. En effet, l’Agence nationale de développement des zones Oasisiennes et d'Arganier (ANDZOA) et le Groupe d'intérêt économique de l'Oasis Cercle de Figuig ont été impliquées. De même que la commune de Figuig est largement partie prenante. »
Le projet est en effet crucial pour le développement socio-économique de la région. Car aux acteurs traditionnels de la filière se sont ajoutés de plus grosses entreprises agricoles impliquées dans la culture des palmiers-dattiers dans le cadre du Plan Maroc Vert et de son volet d’extension des zones oasiennes.
« Les agriculteurs locaux étaient inquiets face à ces entreprises d’une autre envergure. L’approvisionnement en eau des plantations est apparu comme un enjeu. Il fallait gérer les craintes des agriculteurs » explique encore Mondher El Jaziri.
Le compost contribue à l’amélioration des sols, ce qui permet aux agriculteurs d’augmenter la production de fruits et de moins recourir aux engrais. Bien utilisé, le compost conserve l’humidité et nécessite moins d’eau.
De nombreux jeunes chercheurs de différentes filières ont été formés à l’UMP dans le cadre de ce projet. C’est à eux que revient aujourd’hui la pérennité de cette intervention, en poursuivant la recherche sur les milieux oasiens et en s’investissant professionnellement dans ce secteur.
« Aujourd’hui, je constate que les agriculteurs travaillent plus sereinement. Leur maîtrise des techniques et leur approvisionnement en plants de qualité issus de rejets de souches répondent désormais à leur besoin, ce qui favorise concrètement la production des dattes « Aziza », qui sont la spécialité locale et qui font la fierté de Figuig et de l’Orientale », conclut Mondher El Jaziri.
Au final, les retombées de ce projet contribuent à l’essor de l’activité phœnicicole, représentant de 20 à 60% du revenu pour plus de 1,4 million d'habitants des oasis. L’activité agricole oasienne contribue également à la stabilisation des populations dans des zones présahariennes, caractérisées par un équilibre agro-écologique fragile. Des emplois y sont créés et sont accessibles aux femmes qui prennent en charge la plus grande partie de la chaîne de production dattière et maraîchère ainsi que des sous-produits du palmier dattier.