Journées de l'Histoire: repenser l'enseignement de l'histoire de la RDC et de l'Afrique

Mettre en œuvre une approche novatrice pour promouvoir une meilleure connaissance de l’histoire de la RD Congo en particulier et plus largement de l’Afrique, c’est l’objectif du projet BOKUNDOLI. Porté par les professeurs et historiens Elikia M'Bokolo et Jacob Sabakinu (décédé en janvier 2021), le projet ambitionne de revisiter l’Enseignement de l’Histoire Générale de l’Afrique et du Congo en particulier.

C’est dans ce contexte que l’Université de Kinshasa (UNIKIN), l’ULB et l’ONG Coopération Éducation Culture (CEC) organisent les Journées de l’Histoire, à Kinshasa, ces 29 et 30 octobre 2021. Durant deux jours, chercheur·e·s et enseignant·e·s en histoire, de la RDC et de Belgique, s’interrogent sur les améliorations à apporter au cours d'histoire dans l’enseignement secondaire.

« Ces deux journées, explique  Dominique Gillerot, Directrice de CEC, font partie d’un projet pilote intitulé BOKUNDOLI (qui signifie l’acte de chercher en lingala) visant à enrichir les contenus sur l’histoire et à adapter la pédagogie d’enseignement de cette matière. Ce projet s’intègre également dans une vaste initiative de l’UNESCO autour de l’histoire de l’Afrique à laquelle sont associés, depuis les années 90,  de nombreux intellectuels africains, mais pas uniquement. Il faut à présent rendre ce travail encyclopédique plus accessible par le biais de modules pédagogiques adaptés aux pays concernés afin d’augmenter la conscience africaine de la jeunesse.»

Accéder à des archives inédites

L’initiative est ambitieuse et de long terme. Il s’agit en effet de réfléchir à l’amélioration de la qualité des enseignements d’histoire (notamment les contenus des manuels et les supports pédagogiques) en tenant compte de l’état actuel des connaissances scientifiques. Elle peut compter sur le soutien du Ministère congolais de l’enseignement primaire, secondaire et technique (MEPSP) qui a entamé un travail d’amélioration de ses programmes d’enseignement, notamment pour les mathématiques et les sciences, en y associant une réflexion sur la place du numérique. Le projet BOKUNDOLI est sur la même longueur d’ondes car les nouveaux cours d’histoire pourront faire appel à sa plateforme internet donnant accès à des contenus audio ou vidéo, autant d’archives animant et enrichissant la façon d’enseigner.

« Nous avons déjà travaillé avec des écoles et des enseignant·e·s qui ont participé à diverses expériences pilotes et les retours sont positifs, poursuit Dominique Gillerot. Cela demande des équipements supplémentaires ainsi que la formation des enseignants. Les Instituts supérieurs de pédagogie (ISP) reçoivent des équipements pour former les enseignant·e·s en recourant entre autres à des applications numériques. »

Cette révision du programme d’histoire n’est pas neuve en soi, mais les débats actuels sur la décolonisation des contenus lui donne un relief particulier, tant en Belgique qu’en RDC. L’implication de personnalités scientifiques reconnues comme Elikia M'Bokolo et Jacob Sabakinu renforcent en tout cas la crédibilité de la démarche.

Pour Dominique Gillerot, « il y a un réel besoin de renforcer la formation, tout en veillant à augmenter le nombre d’étudiant·e à embrasser une carrière dans le domaine de l’histoire. C’est par une meilleure connaissance de son histoire que peut se construire l’avenir d’un pays dans le cadre d’une citoyenneté active. Les enjeux actuels peuvent être mieux compris par le prisme de l’histoire, encore faut-il que cette histoire soit présentée avec toutes les nuances nécessaires, avec un regard venant du Congo et non pas européocentré. En Belgique, on parle beaucoup de la décolonisation de l’enseignement, le terme est moins utilisé en RDC. Néanmoins, lorsque l’on parle de la colonisation, il est à noter qu'il est rarement fait mention des résistances qu’il y a eu à cette colonisation. Peu de personnes connaissent ces résistances. Les présenter va donner une autre perception de l’histoire à ces jeunes qui abordent ces questions en classe.»

Adapter les cours en Belgique également

Ces deux journées de réflexions mobilisent une cinquantaine d'actrices et d'acteurs concerné·e·s par ce vaste chantier, des chercheur·e·s et professeur·e·s de l’Université de Kinshasa, de Lubumbashi, de Bukavu, de Kisangani et de l’ULB, des professeur·e·s d’histoire et de pédagogie spécialisé·e·s, des étudiants en histoire, des représentants du ministère de l’EPSP, des enseignants d’histoire de 15 écoles sélectionnées (Kinshasa, Mbanza-Ngungu et  Lubumbashi), des associations des parents d’élèves, des représentants d’artistes et de la société civile. 

Les Journées de l'Histoire
De nombreuses personnalités belges et congolaises participent aux Journées, soulignant l'enjeu de ce projet. Photo: Pierre Nsana

A leur côté, des représentants de l'UNESCO, du PNUD, de la Fondation Konrad Adenauer d’Allemagne, de nombreux ministres congolais prendront part également aux travaux, soulignant l’importance de l’enjeu en général. La participation de la ministre de l’Education, Caroline Désir, souligne également l'intérêt de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur la façon dont cette histoire est enseignée, au niveau primaire et secondaire. Leur présence, espèrent l’ONG belge Coopération Éducation Culture (CEC) et l’association Investing in People (IIP), devrait renforcer et accélérer les échanges entre la Belgique et la RDC conduisant à la décolonisation des cours d’histoire« Les ministres devront s’engager, conclut Dominique Gillerot. La période est cruciale avec, notamment, les travaux de la Commission de réconciliation sur le passé colonial. Il y a une forme d’urgence.»

Les journées seront introduites par Serge Jaumain (ULB), Pamphile Mabiala (UNIKIN) et Dominique Gillerot. Elles seront construites autour de cinq panels : (1) Etat des lieux de l’enseignement de l’histoire en RDC, (2) Le numérique au service de l’enseignement de l’histoire, (3) Les pistes pour de nouveaux contenus dans l’enseignement de l’histoire en primaire et en secondaire, (4) La place des musées et (5) La Décolonisation de l’enseignement de l’Histoire ?

La portée de ces panels reflète la richesse de ces synergies associant diverses expertises académiques, associatives, culturelles et citoyennes. Elles faciliteront l’échange de regards (croisés et critiques) sur les innovations apportées par le programme BOKUNDOLI dans la conception et la communication de l’histoire via des discussions avec des acteurs issus de secteurs scientifiques, scolaires, institutionnels et des artistes et le renforcement de la formation et des connaissances des enseignants et chercheurs en histoire des universités participantes, tant de la RDC que de Belgique. 

Durant ces deux journées, un hommage sera également rendu à Jacob Sabakinu, historien de la population africaine et professeur à l’Université de Kinshasa, décédé le 8 janvier 2021. Il était également un partenaire de longue date de l'ARES. 

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