Afrikera Arts Trust & le Conservatoire Royal de Bruxelles : une coopération qui redessine la mobilité artistique internationale.

Entre Afrikera Arts Trust, plateforme zimbabwéenne dédiée à la formation et à la professionnalisation artistique, et le Conservatoire Royal de Bruxelles, s’est construite une collaboration centrée sur la mobilité, la création, la circulation des savoirs Nord-Sud et l’émergence de nouvelles esthétiques.

Pendant plusieurs semaines, Sasha Kakono, Ngonidzashe Aivin Kamudyariwa, Takudzwa James Felo et Jeannette Ziady, venus du Zimbabwe et d’Afrique du Sud travaillent aux côtés d’autres artistes, enseignant·e·s et d’étudiant·e·s pour co-construire une œuvre commune. Bien plus qu’un échange, cette rencontre se mue en espace de réflexion autour de plusieurs enjeux contemporains majeurs : le changement climatique, la transmission culturelle et les dynamiques de circulation des savoirs. Avec l’appui de l’ARES, le programme donne surtout voix aux artistes, qui racontent eux-mêmes ce qu’ils viennent explorer, partager et transmettre.  

Un partenariat au service de l’apprentissage et de la création

D’emblée, l’ambition affichée est de taille : « Nous ne pouvons plus créer isolément. Le secteur artistique demande aujourd’hui de croiser les pratiques, de partager les compétences et de multiplier les ponts entre institutions. Ce programme répond précisément à cette exigence : faire dialoguer les cultures, les méthodes et les visions pour enrichir les œuvres et les parcours », souligne Marie-Laure Edom, (ou Soukaïna, son nom d'artiste), fondatrice d’Afrikera Arts Trust. Avec cette mobilité, « les artistes du Sud accèdent à des environnements où la recherche artistique est encouragée, tout en apportant ici des gestes et des récits qui enrichissent profondément la création. »

Ngonidzashe Aivin Kamudyariwa, danseur, chorégraphe et artiste pluridisciplinaire y voit « un environnement où la création est nourrie par la diversité : diversité des cultures, des esthétiques, des approches pédagogiques ». Son objectif est : « d’acquérir de nouvelles compétences pour, ensuite, les intégrer dans d’autres univers de création » Un sentiment que partage Jeannette Ziady, chorégraphe sud-africaine et enseignante à la Tshwane University of Technology : « Travailler ici m’oblige à sortir de mes habitudes. Je découvre d’autres façons de penser, d’enseigner et de créer. Rencontrer des artistes qui appréhendent le mouvement avec leurs propres références donne une dimension nouvelle à ma pratique. Cette diversité m’alimente et m’ouvre »

Objectifs : apprendre, partager, transmettre

Les danseurs et musiciens zimbabwéens et sud-africains cherchent à confronter leurs pratiques à d’autres horizons pour en faire profiter leur milieu d’origine. Dans le "Programme de mobilité" de l'ARES qui permet l’accueil d’enseignant.es et de professionnel.les en séjour d’un à six mois dans les Hautes écoles et Ecoles supérieures des arts de la Fédération Wallonie Bruxelles, la mobilité devient bien plus qu’un déplacement géographique : elle se transforme en un véritable terrain de recherche où les langages artistiques se rencontrent, se répondent et se transforment mutuellement. Les artistes y explorent à la fois des techniques nouvelles, mais aussi d’autres manières d’habiter le geste, d’écouter, de collaborer et de donner du sens. Cette expérience, confie Ngoni , « marque un tournant dans mon engagement artistique. Ici, la création existe grâce à la diversité. Les esthétiques se croisent, les méthodes dialoguent. Je veux absorber cela, l’intégrer dans mon travail, et ramener ces outils à ceux qui n’en ont pas accès chez nous. »

La chorégraphe Jeannette Ziady vit cette immersion comme un décentrement nécessaire : « Travailler ici m’oblige à sortir de mes habitudes. Je découvre d’autres façons de penser, d’enseigner et de créer. Rencontrer des artistes qui appréhendent le mouvement avec leurs propres références donne une dimension nouvelle à ma pratique. Cette diversité m’alimente et m’ouvre.»

Sasha Kakono insiste sur l’impact de cette mobilité : « Ce programme représente pour moi une opportunité exceptionnelle d’acquérir de nouvelles compétences, de rencontrer d’autres artistes et de me confronter à d’autres façons d’apprendre, de créer et de danser. Au Zimbabwe, nous recevons souvent des chorégraphes ou des enseignants venus de l’étranger pour nous former. Cette fois, j’ai la chance d’être de l’autre côté : d’aller moi-même chercher la connaissance là où elle s’invente. Je veux élargir ma vision, enrichir ma pratique, et ensuite transmettre tout cela aux jeunes danseurs de mon pays. C’est pour moi une manière d’être utile artistiquement et socialement. »

Prestation de Sasha Kakono
Sasha Kakono - Photo : fafifi 1 00

Au Conservatoire royal de Bruxelles, les artistes ne sont pas perçus comme de simples stagiaires venus apprendre, mais comme de jeunes professionnels qui contribuent pleinement au processus de création. Ce cadre favorise une circulation continue des savoirs, où les danseurs traditionnels, les interprètes contemporains, les musiciens ou chorégraphes apportent une part de leur héritage pour nourrir un mouvement, ouvrir des chemins, et enrichir une œuvre commune. La création s’écrit avec plusieurs voix, avec plusieurs corps, avec plusieurs histoires.

Un thème central : créer pour parler du monde

Cette résidence vise la création d’une œuvre collective, mêlant danse contemporaine, rythmes traditionnels, musique live et narration corporelle qui évolue et s’enrichit à chaque rencontre. Le thème proposé, issu des partenaires sud-africains, porte sur le changement climatique. Les productions issues de cette collaboration sont multiples : performance publique, captation vidéo professionnelle et matériaux pédagogiques pour les institutions partenaires. Les échanges ne s’arrêtent pas là ; Takudzwa, ancien d’Afrikera et aujourd’hui diplômé du Conservatoire, veut entretenir les ponts de la mobilité : « Je veux ramener au Zimbabwe ce que j’ai appris, mais aussi continuer à collaborer avec les artistes belges. C’est dans cet aller-retour que les idées circulent et évoluent. »

Tisser des liens durables

Au-delà du temps de résidence, c’est la force des liens tissés et l’enrichissement mutuel des institutions et des personnes qui ressortent. « Chaque artiste qui voyage porte une culture, un imaginaire. En se rencontrant, on change notre manière de créer et de regarder le monde. C’est comme cela que se construisent des collaborations durables. », résume Takudzwa.

La collaboration entre Afrikera Arts Trust, le Conservatoire et l’ARES prouve que la coopération n’est pas qu’une somme d’expériences individuelles : c’est une construction partagée, qui ouvre la voie à des collaborations fécondes et à l’éclosion de nouveaux regards sur le monde.

______

Article : Brenda Cyrielle Mansop  -  Photos : fafifi 1 00

Lire aussi